nicolas bouvier

Nicolas Bouvier est né en 1929 à Genève, dans une famille cultivée et aisée. Après des études de lettres et de droit à l’Université de Genève, le jeune homme décide de larguer les amarres et de prendre la route de l’Orient au volant de sa Fiat Topolino. De ce périple, long de trois ans et demi, qui le conduira de Genève au Japon via les Balkans, l’Inde et le Pakistan, Bouvier tirera la matière de trois grands récits de voyage : L’Usage du monde (1963), Japon (1967) et Le Poisson-Scorpion (1981).

Liée aux années de la maturité, la découverte de l’Ouest – de l’Irlande en particulier – inspirera à Bouvier Journal d’Aran et d’autres lieux (1990).

Quant à sa ville natale, elle sera pour lui le lieu de l’écriture, toujours sédentaire, mais aussi celui du travail alimentaire : à partir des années soixante, il se spécialise dans la recherche iconographique, réalisant divers ouvrages de commandes, dont Les Boissonnas, une dynastie de photographes (1983).

Depuis sa mort, survenue en 1998, son œuvre, traduite dans le monde entier, conquiert un public toujours plus large.

« Voyager : cent fois remettre sa tête sur le billot, cent fois aller la reprendre dans le panier à son pour la retrouver presque pareille. On espérait tout de même un miracle alors qu’il n’en faut pas attendre d’autre chose que cette usure et cette érosion de la vie avec laquelle nous avons rendez-vous, devant laquelle nous nous cabrons bien à tort.
J’ai rasé ce matin la barbe que je portais depuis l’Iran : le visage qui se cachait dessous a pratiquement disparu. Il est vide, poncé comme un galet, un peu écorné sur les bords. Je n’y perçois justement que cette usure, une pointe d’étonnement, une question qu’il me pose avec une politesse hallucinée et dont je ne suis pas certain de saisir le sens. Un pas vers le moins est un pas vers le mieux. Combien d’années encore pour avoir tout à fait raison de ce moi qui fait obstacle à tout ? Ulysse ne croyait pas si bien dire quand il mettait les mains en cornet pour hurler au Cyclope qu’il s’appelait “ Personne ”. On ne voyage pas pour se garnir d’exotisme et de d’anecdotes comme un sapin de Noël, mais pour que la route vous plume, vous rince, vous essore, vous rende comme ces serviettes élimées par les lessives qu’on vous tend avec un éclat de savon dans les bordels. On s’en va loin des alibis ou des malédictions natales, et dans chaque ballot crasseux coltiné dans des salles d’attente archibondées, sur de petits quais de gare atterrants de chaleur et de misère, ce qu’on voit passer c’est son propre cercueil. Sans ce détachement et cette transparence, comment espérer faire voir ce qu’on a vu ? Devenir reflet, écho, courant d’air, invité muet au petit bout de la table avant de piper mot. »
Nicolas Bouvier, Le Poisson-Scorpion, 1981.

ŒUVRES

L’Usage du monde, Genève, Droz, 1963 (rééd. Paris, Payot, coll. Petite bibliothèque Payot, 2001).
Japon, Lausanne, Rencontre, 1967.
Chronique japonaise, Lausanne, L’Age d’homme, 1975 (rééd. Paris, Payot, coll. Petite bibliothèque Payot, 2001).
Vingt cinq ans ensemble, histoire de la Télévision suisse romande, Genève, Editions SSR, 1979.
Le Poisson-Scorpion, Vevey, Bertil Galland, 1981; Paris, Gallimard, 1982 (rééd. Paris, Gallimard/Folio, 1996).
Le Dehors et le Dedans, Vevey, Bertil Galland, 1982 (rééd. Paris, Seuil, coll. Points/Poésie, 2007).
Les Boissonnas, une dynastie de photographes, 1864-1983, Lausanne, Payot, 1983.
Journal d’Aran et d’autres lieux, Lausanne, 24 Heures, 1990; Paris, Payot, 1990 (rééd. Paris, Payot, coll. Petite bibliothèque Payot, 2001).
L’Art populaire en Suisse; Disentis, Desertina Verlag, 1991 (rééd. Genève, Zoé, 1999).
Routes et Déroutes, Entretiens avec Irène Lichtenstein-Fall, Genève, Metropolis, 1992.
Le Hibou et la Baleine, Genève, Zoé, 1993.
Les Chemins du Halla-San, Genève, MiniZoé, 1994.
L’Échappée belle, éloge de quelques pérégrins, Genève, Métropolis, 1996.
Comment va l’écriture ce matin?, Genève, Slatkine, 1996.
La Chambre rouge et autres textes, Genève, Métropolis, 1998.
Entre errance et éternité. Regards sur les montagnes du monde, Genève, Zoé, 1998.
Une orchidée qu’on appela vanille, Genève, Métropolis, 1998.
La Guerre à huit ans, Genève, Minizoé, 1999.
Le Corps miroir du monde, Genève, Zoé, 2001.
Histoires d’une image, Genève, Zoé, 2001.
L’Œil du voyageur, Paris, Hoëbeke, 2001.
Le Japon de Nicolas Bouvier, Paris, Hoëbeke, 2002.
Le Vide et le Plein (Carnets du Japon, 1964-1970), Paris, Hoëbeke 2004.
Charles-Albert Cingria en roue libre, Genève, Zoé, 2005.

Œuvres, Paris, Gallimard, 2004.

Nicolas Bouvier et Thierry Vernet, Correspondance des routes croisées, Genève, Zoé, 2010.

À CONSULTER

Anne-Marie JATON, Nicolas Bouvier, Paroles du monde, du secret et de l’ombre, Lausanne, PPUR, coll. Le Savoir suisse, 2003.
François LAUT, L’Œil qui écrit, Lausanne, Payot, 2008.
Adrien PASQUALI, Nicolas Bouvier, Un galet dans le torrent du monde, Genève, Zoé, 1996.
Jean-Xavier RIDON, Le Poisson-Scorpion de Nicolas Bouvier, Genève/Neuchâtel, Zoé/ACEL, coll. Le cippe, 2007.