s. corinna bille

Née en 1912 à Lausanne, dans le canton de Vaud, S. Corinna Bille passe son enfance et sa jeunesse à Sierre, dans le canton du Valais. Après un séjour à Paris et un premier mariage qui est un échec, elle regagne le Valais qu’elle ne quittera plus. De son second mariage avec l’écrivain Maurice Chappaz, elle aura trois enfants. Corinna Bille, qui partage sa vie entre les tâches ménagères et l’écriture, se fait connaître par un roman, Théoda (1944), suivi de plusieurs recueils de nouvelles, dont La Fraise noire (1968), La Demoiselle sauvage (1974), Bourse Goncourt de la nouvelle, et Le Salon ovale (1976). Sa production est interrompue par la maladie et la mort, en 1979, au lendemain d’un voyage en Transsibérien. Riche d’une trentaine de titres, son œuvre se construit entre le réalisme tragique des romans et nouvelles des années de jeunesse, et la veine fantastique et onirique des écrits de la maturité. Le Valais, ses paysages et ses traditions, inspirent nombre de ses récits et poèmes.

« Arrivée dans une clairière, en apparence aussi figée que les autres, je m’aperçus qu’entre les herbes mortes, au pied des genévriers, de nombreuses touffes d’hépatiques mauves, roses, bleues ou blanches, vivaient. Comme un débordement de lumière souterraine, elles affleuraient un peu partout en masses serrées, leurs tiges invisibles sous les corolles minces et pourtant précises. Dans la forêt atone et sans couleur, elles paraissaient douées d’une force secrète qui les surélevait et me donnait l’impression d’un jaillissement. Il m’en vint un étrange bonheur et de la reconnaissance. Nous étions les seules vivantes ici… Je ne les cueillis pas, je savais qu’elles se faneraient, mais je les touchais de la main et les gardais longtemps sous mes yeux. Des gémissements se firent entendre; à la fois proches et lointains. Je n’étais donc pas seule? Ils cessèrent. “Est-ce une bête? Est-ce le vent?” me demandai-je, inquiète. »
C. Bille, Théoda (Porrentruy, Portes de France, 1944).

« Emerentia pense que les trésors du monde sont autour d’elle, le soleil, le fœhn tiède, la transparence de la rivière, mais elle ne sait pas qu’elle-même est la crème et la couronne.
Debout devant elle, M. le doyen la questionne:
— Qu’est-ce que la Trinité radieuse?
Il n’y aura pas de réponse. La fillette serre des dents effroyablement pâles.
— Répète! C’est un Dieu en trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
Elle tremble, le regard fixe. On croirait qu’elle ne voit plus rien, un regard d’aveugle-née, mais d’une beauté bouleversante, où le blanc n’existe pas. Cette rigidité, ce silence troublent le prêtre. »

C. Bille, « Emerentia 1713 », Deux passions (Vevey et Paris, Galland et Gallimard, 1979)

OEUVRES

Printemps, poèmes, La Chaux-de-Fonds, Les Nouveaux Cahiers, 1939.
Théoda, roman, Porrentruy, Portes de France, 1944 (rééd. Lausanne, Plaisir de lire, 2008).
Le Grand Tourment, nouvelles, Lausanne, Terreaux, 1951.
Le Sabot de Vénus, roman, Lausanne, Rencontre, 1952 (rééd. Lausanne, Plaisir de lire, 2008).
Douleurs paysannes, nouvelles, Lausanne, La Guilde du livre, 1953 (rééd. Lausanne, Plaisir de lire, 2008).
Florilège alpestre, Lausanne, Payot, 1953.
L’Enfant aveugle, contes et nouvelles, Lausanne, Aux miroirs partagés, 1955 (rééd. Albeuve, Castella, 1980).
A pied, du Rhône à la Maggia, récit, Lausanne, Terreaux, 1957 (rééd. Genève, La Joie de lire, 1999).
L’Inconnue du Haut-Rhône, théâtre, Lausanne, Rencontre, 1963 (rééd. Lausanne, L’Age d’homme, 1996).
Entre hiver et printemps, nouvelles, Lausanne, Payot, 1967 (rééd. Albeuve, Castella, 1980).
La Fraise noire, nouvelles, Lausanne et Paris, La Guilde du livre et Clairefontaine, 1968 (rééd. Paris, Gallimard, 1976).
Juliette éternelle, nouvelles, Lausanne, La Guilde du livre, 1971 (rééd. Albeuve, Castella, 1983).
Cent petites histoires cruelles, Lausanne, Galland, 1973 (rééd. Cent petites histoires cruelles. Trente-six petites histoires curieuses, Albeuve, Castella, 1985).
La Demoiselle sauvage, nouvelles, Lausanne, Galland, 1974 (rééd. Paris, Gallimard, 1975).
Le Salon ovale, nouvelles et contes baroques, Vevey, Galland, 1976 (rééd. Lausanne, Plaisir de lire, 2008).
Les Invités de Moscou, roman, Vevey, Galland, 1977 (rééd. Lausanne, Ex Libris, 1977).
La Maison musique: dix-sept contes, Lausanne, Ex Libris, 1977.
Cent petites histoires d’amour, Vevey et Paris, Galland et Gallimard, 1978.
Deux passions, Vevey et Paris, Galland et Gallimard, 1979.
Le Bal double, nouvelles, Vevey et Paris, Galland et Gallimard, 1980.
Le Pantin noir, roman, Lausanne, L’Aire, 1981.
Nouvelles et petites histoires, Lausanne, L’Age d’homme, 1988.
Œil-de-Mer, roman, Lausanne, 24 Heures, 1989 (rééd. Vevey, L’Aire, 1996).
Forêts obscures, roman, Lausanne, 24 Heures, 1989 (rééd. Vevey, L’Aire, 1996).
Le Vrai Conte de ma vie, établi et annoté par Christiane P. Makward, Lausanne, Empreintes, 1992.
Emerentia 1713, Carouge-Genève, MiniZoé, 1994.
Correspondance 1923-1958 à Edmond et Catherine Bille, Cossonnay, Plaisir de lire, 1995.
L’Œuvre dramatique complète, Lausanne, L’Age d’homme, 1996, 2 vol.
Œuvres complètes pour la jeunesse, Genève, La Joie de lire, 1999, 3 vol.

À CONSULTER

Marijke de Courten,L’Imaginaire dans l’œuvre de Corinna Bille, Neuchâtel, La Baconnière, coll. «Langages», 1989.
Ecriture 33, «S. Corinna Bille», automne 1989.
Gilberte Favre, Corinna Bille, Le vrai conte de sa vie, Lausanne, 24 heures, coll. « Visages sans frontières », 1981 (rééd. Lausanne, Editions Z, 1999).
Hommage à S. Corinna Bille, 1979-1989, catalogue de l’exposition à la Fondation Rainer Maria Rilke, 22 septembre-26 novembre 1989.
Quarto, revue des Archives littéraires suisses (ALS), «Dossier : S. Corinna Bille», no 6, décembre 1995.
PLANS-FIXES
Corinna Bille, écrivain, racontée par Maurice Chappaz, le 7 novembre 1979 au Châble (interlocuteur Bertil Galland), Yverdon-les-Bains, Association Plans-fixes, copie 1979.